Archives internationales du surréalisme : un état des lieux

Paris, École nationale des chartes, vendredi 8 novembre 2024

et École normale supérieure, samedi 9 novembre 2024

Le surréalisme aura 100 ans en 2024, si on considère comme point d’origine la publication du premier Manifeste par André Breton. Mouvement international collectif et décloisonnant les médiums d’expression avant l’heure, il a essaimé sur le temps long et dans de nombreux pays, entretenant avec certains groupes, qui en étaient la continuité et même parfois la rupture, des relations complexes d’amitiés et de distance. Des centaines d’artistes, écrivains et poètes ou simplement sympathisants ont fait vivre ce mouvement dont l’ampleur en termes quantitatifs tout autant que qualitatifs a remodelé le récit de la modernité. Comment dès lors écrire et archiver l’histoire d’un mouvement international et dont les artéfacts sont autant littéraires, poétiques ou plastiques que philosophiques ou politiques ? L’accessibilité exponentielle aux sources, rendue possible par les moyens techniques, génère-t-il de nouveaux regards et de nouvelles perspectives pour le chercheur et pour l’amateur/passionné ? Le marché de l’archive aiguisant toutes les convoitises, n’a-t-il pas mis en lumière plusieurs pans que l’historiographie officielle du surréalisme ignorait ou avait refoulé ? Qu’entend-on par archive lorsqu’on aborde un mouvement si complexe ?

Le surréalisme a bien sûr laissé de nombreuses traces plus ou moins importantes, plus ou moins inventoriées, documentées, valorisées ou tenue secrètes. Il y a peut-être autant de nature d’archive que de groupes surréalistes. Mais que peut-on archiver ou que doit-on archiver ? Si le numérique nourrit le phantasme ou l’illusion d’une conservation totale, n’y a-t-il pas à cet endroit une sorte d’antagonisme avec ce qu’avait été le surréalisme, à savoir un rapport au monde où le hasard, l’oubli et l’insouciance étaient cultivés. D’un autre côté, bien des moments surréalistes tenaient dans le fait d’être ensemble simplement pour partager de l’intelligence et ces moments ne méritent-ils pas d’être capturés, archivés, discutés ? La vie quotidienne au café n’est-elle pas digne de l’archive ? On voit bien que l’archive pose des problèmes infinis tant aux chercheurs qu’aux institutions ou publics.

Le surréalisme et les surréalistes ont entretenus des relations ambigües et complexes avec la mise en archive et de nombreux cas de legs ou de donations avortées ponctuent l’actualité du demi-siècle écoulé en France et à l’étranger. Tantôt perçue comme une bouée de sauvetage d’une mémoire qui s’efface à mesure que le temps passe, tantôt vilipendée pour servir des intérêts mercantiles ou bien patrimoniaux froids et désincarnés, les archives sont le centre de toutes les attentions. Elles sont au cœur de ce que deviendra le surréalisme et de ce que l’on voudra en faire.

Internet est sans doute à l’origine de nombreux changements dans la réception du surréalisme. Archivage numérique, mises à disposition de tout matériel textuel, iconographique et video au plus grand nombre et ce indépendamment des frontières, avec des traducteurs automatiques de plus en plus performants. Quels récits du surréalisme sont en train de naitre ? En quoi par exemple Internet modifie-t-il la perception, voire la postérité du surréalisme ? Que peuvent apporter les Humanités numériques à sa documentation, son édition, sa compréhension ? Grâce ou à cause d’Internet, le surréalisme ne devient-il pas inoffensif aux yeux de ses contemplateurs ? La propriété intellectuelle protégeant strictement certains surréalistes parmi les plus connus ne va-t-elle pas être le cheval de Troie d’autres figures plus lointaines ou anecdotiques s’immisçant sur la toile pour en ravir la première place ? Quelles en sont les conséquences sur l’historiographie à venir du surréalisme ?

L’objectif de ce colloque n’est pas d’apporter une réponse unique à ces différentes questions, mais de montrer une histoire multiple et en mouvement, toujours en train de se (re)construire et de s’archiver. Seront privilégiés les analyses et les retours d’expérience sur l’archivage d’individus, de groupes ou de moments collectifs. L’aspect juridique, tout autant que le marché ou le collectionnisme d’investissement, seront sans doute convoqués mais là ne sera pas le point central des discussions. Une table ronde ponctuera le colloque pour échanger et tracer des perspectives sur ce qui reste à faire ou pas.

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